Tempête Eowyn : la plus grosse tempête en Irlande depuis 1945
Qualifiée de "bombe météorologique", la tempête Éowyn, survenue le 24 janvier 2025, a frappé les Îles Britanniques avec une intensité exceptionnelle. L'Irlande a été particulièrement touchée. Considérée comme l'une des tempêtes les plus violentes des dernières décennies, elle a suscité des comparaisons avec la tempête Lothar qui avait dévasté l'Europe en 1999.
Le rôle déterminant du courant-jet
À l'origine de cette tempête se trouve le courant-jet, ou Jet Stream, un puissant flux d'air circulant d'ouest en est à des altitudes comprises entre 8 et 15 km. Ce "couloir" de vent, influencé par la rotation terrestre, joue un rôle crucial dans la formation et l'intensification des dépressions atlantiques.
Au cours de la journée de jeudi, la dépression a été alimentée par un conflit de masses d'air et un courant-jet particulièrement violent, atteignant des vitesses supérieures à 300 km/h à 9 km d'altitude. Cette dynamique a fortement intensifié le creusement de la dépression, qui a perdu plusieurs dizaines de hPa en moins de 24 heures. En atteignant l'Irlande, la tempête présentait une pression minimale inférieure à 940 hPa, une valeur caractéristique des cyclones extrêmement puissants. Cette faible pression traduit la puissance exceptionnelle du système, générant des vents dévastateurs et des conditions météorologiques extrêmes.
Une intensité record en Irlande
Les conséquences de cette dynamique atmosphérique ont été particulièrement sévères en Irlande. Une rafale de 184km/h a été mesurée à Mace Head, à l'ouest du pays. Il s'agit d'un nouveau record absolu pour toute l'Irlande (l'ancien record de 183km/h date de 1945). L'île de Sherkin, au sud, a rapporté des vents de 176 km/h. À Valentia, les rafales ont également frôlé les 160 km/h.
Bien que ces valeurs soient impressionnantes, elles sont restées 20 à 30 km/h inférieures aux prévisions catastrophiques initiales, qui envisageaient des pointes à 200 km/h. Cela peut s'expliquer par deux facteurs :
- d'une part, le creusement de la dépression ayant atteint son paroxysme au large, une atténuation plus rapide des vents a été observée à l'approche des côtes et des terres
- d'autre part, le maillage relativement peu dense des stations météorologiques en Irlande (une quinzaine seulement) a pu sous-estimer les rafales localement observées, qui ont très probablement dépassé les 200 km/h sur certaines zones côtières.
Malgré cette réduction par rapport aux prévisions, les dégâts ont été significatifs. Près de 528 000 foyers ont été privés d'électricité, et des arbres arrachés ont perturbé le réseau routier et ferroviaire. Les transports ont également été gravement touchés : en Écosse, 400 incidents ont été rapportés sur le réseau ferroviaire, dont plus de 120 causés par des chutes d'arbres. Dans les aéroports, environ 1 000 vols ont été annulés, provoquant des difficultés pour des milliers de voyageurs. La tempête a malheureusement causé un décès tragique : un jeune homme de 20 ans à Donegal a été mortellement frappé par la chute d'un arbre.
Comparaison avec la tempête Lothar
La violence et l'ampleur des dégâts d'Éowyn rappellent la tempête Lothar de décembre 1999, qui avait ravagé une grande partie de l'Europe occidentale, y compris la France. Toutefois, certaines différences majeures expliquent les impacts relativement plus limités d'Éowyn en termes de pertes humaines et de perturbations.
En 1999, le courant jet atteignait des niveaux remarquables sur le proche-Atlantique avec des valeurs de 400 voire même 500 km/h. Des rafales de vent avoisinant les 210 km/h avaient ensuite été enregistrées dans le pays, causant des dégâts colossaux et de nombreuses pertes humaines (53 morts et 92 avec la tempête Martin qui l'a suivie de près). Par ailleurs, la tempête Lothar a été suivie de Martin, moins de 48 heures après. Les outils de prévision étaient alors moins avancés et les populations avaient été moins bien préparées à affronter une telle violence météorologique.
En revanche, en 2025, grâce à des modèles météorologiques plus précis et à des alertes préventives largement diffusées, les populations ont pu se préparer efficacement. L'alerte rouge a été déclenchée dans tous le pays impliquant la fermeture des écoles, l'arrêt des nombreux transports en commun et la recommandation suivie d'éviter tout déplacement au cours du passage de la tempête. En 1999, les niveaux d'alerte n'existaient pas. Ils sont justement apparus afin d'éviter un nouveau drame de cette ampleur.
Ces mesures proactives ont permis de limiter les conséquences humaines et de réduire les dégâts par rapport à des événements similaires dans le passé.